Etoile filante
Ce soir, El Qahirah s'est déguisée en Sirocco pour une sortie détente, pas si détente que ça.
Après un long échauffement au pas, puis quelques minutes de trot (j'échauffe El Qahirah essentiellement au pas actif depuis l'accident de janvier dernier), El Qahirah a parcouru les pistes au petit galop. Retour au pas actif, ma main lui demande de baisser la tête et j'attrappe le dessous de son ventre avec une sangle virtuelle tenue par mon bassin et je la soulève.
El Qahirah sans mors, cela rend Julien curieux. Ce n'est pourtant pas notre premier essai. Elle est le seul de mes chevaux que je monte principalement en mors brisé. Elle a besoin de me sentir près d'elle.
Je suis là. Je te tiens. Je suis avec toi. Tout ira bien. Je ne te laisserai pas. Je ne te laisserai jamais.
Alors, je me fais violence et je la cadre. Je me fais violence et je mets un peu de main. Elle va à l'encontre de mon équitation. Mais c'est seulement avec ce contact-là qu'elle s'épanouïe et se livre.
J'aime El Qahirah pour sa grâce et sa classe incontestée, palpables. Bien au-delà de ce défaut physique vraisemblablement dû à des carences alimentaires dans sa vie de jeune jument.
El Qahirah me fait voyager. Si j'avais eu El Qahirah pouliche, je sais quel cheval elle aurait été. Potentiellement mon meilleur cheval. Et plus encore.
C'est un paradoxe équin. Le plus grand des illogismes logé dans le corps d'un équidé.
El Qahirah qui vient se frotter gentiment, qui jamais ne bouscule, El qahirah aussi douce que du velours.
El Qahirah qui te crache son venin à la gueule parce que toi, tu n'as pas su la voir, tu n'as pas su lui dire que tu lui fais confiance, que tu es là et qu'elle peut s'appuyer sur toi en retour.
Princesse gâchée par des mains malheureuses et trop grossières pour elles, par des assiettes lourdes et brutales.
A chaque sortie avec El Qahirah, j'ai de la joie plein le coeur, parce qu'elle est là. Parce qu'elle a trouvé sa maison et son équilibre ici.
A chaque fois que je regarde El Qahirah, je les vois dans ses yeux. Eux qui ont tout fait pour faire d'elle un cheval dangereux, une folle à ne pas faire reproduire sous peine d'engendrer des tarés. C'est ce qu'ils disaient.