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La petite écurie des Fontanelles
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30 juillet 2011

2 x 100 km de Montcuq (46) - 2001

Il n'y a pas de fatalité. Il nous aura fallu prendre 3 fois le départ de cette course pour la boucler, dignement, avec toute la grande classe d'une jument microscopique.

La première fois, en 1993, nous étions alors bien peu expérimentés. Notre première 120 km s'était très bien déroulée, nous ne doutions pas des capacités de notre jument à terminer cette grande course, à juste titre. Je n'avais pas pris conscience à l'époque de ce qui s'avère être à présent ma règle d'or : Entrainement différencié, équitation différenciée et enfin, et surtout, alimentation différenciée. Ce qui est depuis longtemps une évidence pour nous ne l'était pas alors. Au bout d'une dizaine de kilomètres, les petits muscles d'Ulla, trop chargées par une alimentation trop riche (bien que peu quantitative), ne supportaient pas une légère glissade sur une plaque de pierre. Retour au bercail.

Comme nous essayions déjà à l'époque, et autant que possible, de ne pas être des imbéciles bornés, nous avons vite compris que les aliments mélassés (forts à la mode à cette époque) était à proscrire, strictement, pour Ulla. Quoi qu'en disaient alors les cavaliers plus expérimentés autour de nous.

Quelques années et une pouliche plus tard, Ulla était redevenue la petite étoile du circuit aquitain, -presque- imbattable sur 60 km puisque "calée" pour courir à 15 km/h, et dotée d'un coeur (vago)tonique qui nous assurait -presque- toujours la récupération à 36 pulsations par minute. Je laisse les esprits affûtés deviner les (plus ou moins) bons jeux de mots qui m'attendaient (quasi-systématiquement) lors du contrôle final. Grégory était déjà très fort pour cela.

Nous avons donc repris le départ des 2 x 100 km de Montcuq en 1998. La tête bien calée sur les épaules. Les épaules bien calées sur l'abdomen. L'abdomen bien calé sur le bassin. Le bassin bien calé sur la Marathippo. Et la Marathippo bien calée sur le petit dos solide d'Ulla. La première journée s'est déroulée tranquillement et surement. Ulla est partie dans le calme, prête à faire sa course, ignorant ceux qui l'entouraient. Comme toujours. Le truc, c'est qu'il y a eu un paramètre que nous n'avions pas prévu, parce qu'il y a eu des conséquences que nous n'envisagions même pas. La petite Ulla a été très malade dans la nuit, et le diagnostic vétérinaire fut le suivant : Intoxication alimentaire. Vraisemblablement, Ulla avait bouffé le chanvre qui tapissait le sol de son boxe pendant la nuit. Et nous qui pensions la protéger en bannissant la paille... Un coup dans l'eau.

Back to my ass Montcuq en 2001 ! Cette fois-ci nous avions la confiance. Ulla avait alors prouvé maintes fois que son talent était inversement proportionnel à sa taille (143 cm). Et surtout, nous avions prouvé que nous avions compris le mécanisme, les engrenages du métabolisme de la petite merveille.  L'assistance (Philippos et Carole) portait des tee-shirts imprimés "Ulla, Toujours là" (elle avait alors 15 ans). On ne cachait pas notre fierté à son égard. Même technique qu'en 1998 : Une première journée où nous avons parcouru les (presque) 100 km de course prudemment mais sans trainer. Ce jour-là, nous avions aussi perçu que même à haut-niveau (CEI***), le règlement n'est pas le même pour tout le monde : Une dizaine de chevaux sont passés de la queue à la tête en coupant (involontairement) une quinzaine de kilomètres... Et les cavaliers ont négocié une pénalité d'une heure sur le temps total final, alors que le règlement impose de "reprendre la piste là où on l'a quitté". Petite parenthèse, ferme-toi. Ignorons, poursuivons notre chemin. Nous courons notre course. Comme un challenge personnel. L'air de rien.

La gestion de la nuit avait été parfaite. Nous avions beaucoup gardé Ulla près de nous. Comme toujours. Nous dormions à quelques mètres de son box. Jamais sans elle. Nous avions eu très froid. Elle était bien couverte.

Le lendemain, tout simplement, nous avons repris le départ pour la seconde et dernière boucle de 100 km. Petit agneau est alors devenu petit lion. Aussi incroyable que cela puisse paraitre (et d'ailleurs je me contrefous de l'incrédulité de certains), Ulla savait toujours quand nous partions pour la dernière boucle, que ce soit sur 90 ou sur 160 km. Ne me demandez pas comment. L'étau se serre sur mon coeur quand je repense à elle, menant son petit groupe. Ulla était déterminée. Nous avons passé la ligne d'arrivée, puis en quelques minutes, le contrôle final. Ulla récupérait vite. Très vite. Ulla se présentait très bien. Ma conception de la perfection.

Une nuit de plus sur le site. Ulla bien au chaud, et nous toujours les duvets remontés jusqu'au bout du nez. Près d'elle. Toujours près d'elle. Lors de l'inspection du lendemain, le vétérinaire résuma la situation en quelques mots, se tournant vers moi : "Allez, c'est reparti pour 100km aujourd'hui". L'air de rien.

Après Montcuq, j'avais des étoiles plein les yeux. Je rêvais de faire la 3ème course qui constitue toujours pour moi le grand triplé européen : Barcelone (Santa Suzana). Pour des raisons financières, je n'ai pas pu amener Ulla à Barcelone. Et pourtant, je sais...

J'irai à Barcelone. Bien évidément sans elle, et forcément avec un(e) autre. Et bien entendu, ce ne sera pas teinté d'évidence comme avec elle. Mais je penserai à elle avec un étau sur le coeur. Encore et toujours.

lulu_200kms

lulu2x100

MONTCUQ01 (Copier)

 

 

 

 

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Commentaires
S
Cher Philippe, je ne me lancerai pas non plus cette fois-ci dans le débat lancé sur votre blog (j'espère que vous aurez perçu en ces lieux que je ne suis pas non plus toujours de ceux qui s'expriment au 1er degré), vous avez bien du comprendre qu'adepte de la différenciation, je crois qu'une certaine hétérogénéité sur le circuit est indispensable, et surtout, en ce qui concerne les championnats, la technicité des parcours. Sinon nous ferons bientôt courir les chevaux avec des chimpanzés sur le dos !<br /> Au-delà de notre désaccord -bien que sur certains points nous semblons être parfaitement d'accord et je ne parle pas là que de nos préparations culinaires, je vous remercie pour l'attention que vous avez porté à ce récit, d'autant plus que sans vous, il n'aurait pas vu le jour aussi vite. Merci pour vos mots et votre compréhension de la notion de couple. Essentiel. Rassurant.
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M
Beau récit, belle écriture, beaux souvenirs, beaucoup d'amour, toujours...
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H
Chère Sophie, je préfère commenter ce post plutôt que le précédent concernant le mien, en espérant que depuis vous aurez appréhendé mes arguments à propos de la course de Florac, que je ne critique pas en tant que telle, mais en tant que représentation d’une Endurance universelle. Rassurez-vous je ne viens pas ici reprendre mes réflexions, qui représentent déjà trois tomes sur HyppoBlog – où vos commentaires sont tous en ligne c’est vrai parfois je dois quitter mon écran la purée Mousline ne se prépare pas toute seule... Donc, votre Montcuq, dix ans après, 3615 jours plus tard. Ulla, souvenir immortel parce que dorénavant sauvegardé sous Windows. Ça sert aussi à ça, un blog, à soulager sa mémoire de détails chers, à passer à autre chose, à voir ailleurs, à savoir d’où on vient, éventuellement où on va, et inviter les autres à une promenade – pas toujours de santé. La vôtre (de promenade) nous emmène loin. Du côté de la quintessence du lien cavalier-cheval, de l’Endurance au noir de la pensée, de la lumière d’un lien aussi désintéressé qu’arbitraire. Vers une définition de l’universalité de l’équitation, justement. Et nous avons la même. À ceci près que, pour ma part (déformation professionnelle sans doute), j’y intègre une notion de représentation. L’Endurance, pour continuer d’exister, a besoin d’être reconnue – en tant que sport mondialisé, avec ses amateurs, ses professionnels et ses parcours. Ça sert aussi à ça, un blog. À se poser des questions. Pour ce qui nous concerne la question demeure, simple : qu’est-ce que l’Endurance ? Vous venez donc d’en donner une définition. C’eût été dommage de ne pas le faire...
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V
c'est toujours un bonheur de te lire Sophie, mais quand en plus l'émotion est palpable et qu'on peut ainsi la partager avec toi, on a juste envie de te remercier.
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K
J'ai toujours le même énorme regret lorsque je vois Ulla à travers ta plume : que nos chemins se soient croisés trop tard pour connaître cette GRANDE "petite"... Je suis certaine que je l'aurais adorée : il n'aurait pu en être autrement.
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