MEA CULPA
Quand j'étais gamine, je montais au centre équestre de Romainville.
Dominique, notre enseignante, nous paraissait parfois dure...
Dominique disait rarement "c'est bien" mais disait toujours ce qui n'allait pas.
Et lorsque l'un d'entre nous foirait, elle nous rappelait toujours que c'était de notre faute, et jamais de celle du cheval.
Je me souviens des moments où avant la reprise, nous découvrions sur le tableau noir quel cheval nous allions monter. Certaines (toujours plus que certains, allez comprendre) étaient aux bords de la crise de nerfs en découvrant qu'elles ne monteraient pas Régal mais Ciboulette... Le client est roi, dit-on, mais la petite reine Cécile a tout perdu le jour où sa maman a stupidement exigé que sa fille ne monterait que son cheval fétiche : Nous avons continué à progresser et Cécile est restée statique dans les reprises pour débutants.
Je t'ai entendu, oui, toi ! Tu as pensé très fort : "Mais où veut-elle en venir ?"
Et bien je vais te le dire...
Je remercie toutes les Dominique (ou autre Jeanne et Denis) qui ont enseigné l'équitation avec cet esprit-là.
Je vais concrétiser ces propos-là en convergeant sur mes propres chevaux.
Printemps 98 : J'entraîne à tour de rôles Sirocco puis Ulla sur hippodrome. Sur le dernier sprint final avec Ulla, alors que Philippe nous chronomètre, Ulla sort brutalement de la piste et me scotche sur place, à plus de 50km/h. Ce jour-là, j'avais oublié qu'entre le pur sang et la ponette, le plus chaud n'est pas toujours celui que l'on croit.
Hiver 2002 : El Qahirah explose violemment et nous tombons toutes les deux. C'était de ma faute, sans aucun doute. J'ai relâché le cadre dont elle a besoin, j'ai cru que c'était acquis.
Tartas, avril 2008 : J'abandonne sur la piste au kilomètre 50, ma jument Hémy boîte suite à une blessure sur la piste. Course catastrophe dont je suis l'unique responsable. Je connaissais l'émotivité d'Hémy et par manque d'organisation, je l'ai laissé se cramer d'énervement sur la piste ce qui a provoqué fatigue et inattention, puis blessure.
Si j'assume mes fautes, je vais citer deux autres exemples (liste non-exhaustive car chacun pourrait y aller de son anecdote) mais en préservant l'anonymat des cavaliers mentionnés :
En 1996, D. monte Sirocco qui lui refuse le départ au galop à droite. Au contraire, il s'entête à galoper à faux sur de tout petits cercles. A aucun moment elle ne se remettra en cause. Ce fut tellement plus facile de le matraquer... Il ne céda pas, forcément, il n'était pas le fautif.
Eté 1997, l'incident se reproduit lorsque S. monte Sirocco à l'entraînement. Sa réaction fut différente, il ne le frappa pas (de peur de prendre ma main in the face ?) mais pris la décision de ne plus monter qu'Ulla car "il est trop con ton cheval".
Pourtant, Sirocco galope sur les deux pieds...
C'est tellement plus facile de s'en prendre au cheval plutôt que d'admettre ses problèmes d'équitation...
Le problème est à mon avis que cette façon de penser s'est peu à peu généralisée, à croire qu'il n'y a que des bons cavaliers, et de plus en plus de chevaux "cons" ou difficiles.
Je ne vais pas dire qu'il n'y a pas de chevaux difficiles, mais sans doute davantage de chevaux que nous rendons difficles (se conférer El Qahirah's story), et des cavaliers avec une bien triste mentalité qui n'ont pas compris que rien n'est jamais gagné à cheval. Ce sport-là est un challenge perpétuel qui nous offre la possibilité d'évoluer sans cesse pour peu que l'on ait compris cela.
Monter à cheval, c'est aussi et surtout réflêchir. Quelle est la cause du problème, et comment puis-je faire de la prévention plutôt que de la répression... ?
Un peu d'humilité : Soyez déjà reconnaissants envers ce magnifique animal qui nous accepte sur son dos avec plus ou moins bonne grâce. Et stop à la mesquinerie, c'est tellement facile de punir quand est assis dessus... Et bien difficile d'avouer sa médiocrité.
Aujourd'hui j'aimerais comprendre pourquoi :
- certains moniteurs distribuent des galops à des cavaliers qui ne sont même pas capables de dispenser les soins élémentaires à leur monture ni même de la préparer eux-même avant de monter dessus ?
- les enseignants n'hésitent pas à remettre en cause les chevaux et flattent de manière incohérente les apprentis cavaliers ?
- dérive de la question précédente : de plus en plus de cavaliers incriminent le cheval quand ça se passe mal ?
- des parents achètent des chevaux à des gamins qui se croient bons cavaliers alors qu'ils n'ont même pas 2 années d'équitation à leur actif ?
- les gens préfèrent sortir la grosse artillerie en matière d'embouchure plutôt que de travailler leur assiette et leurs actions de main ?
- de quel droit des prétendus cavaliers osent déclarer que c'est le cheval qui est nul ?
Je sais pas pour vous, mais moi, je crois que tout cela, c'est un peu de la faute de Cécile.